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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Pascal Depresle - J'ai trop traîné sous la pluie

Il y a la détresse d’un Renaud à la recherche de son enfance perdue dans chaque coin de mot. Il y a la solitude d’un Richard Bohringer prêtant le flanc à la beauté des sans-logis. Il y a la poésie d’un Léo Ferré qui percole depuis les expériences malheureuses parsemées de gouttelettes d’amour. Il y a le regard clair d’un Kersauzon, ou est-ce celui de Giraudeau? de celui qui a voyagé pour se fuir et a côtoyé la mort et l’amour de près. Il y a la lucidité éthylique d’un Shane McGowan au sourire édenté et à la gueule d’âme cassée. Il y a aussi. Le dehors, cet espace de liberté, mais aussi de l’expérience de la morsure du rejet, du froid, de la pluie, du rugueux de l’humain défaillant. La nuit, interlope où se conjuguent les errances, où s’espèrent les déshérences, où se serrent les désespérances, mais où parfois entre deux nuages filent des étoiles qui éclairent les vies de l’intérieur. La mort, épouvantail qui fait son marché parmi le bonheur qui s’ignore et parmi l’amour qui n’arrive jamais à bon port. La mort, une relation de trottoir, disait Gainsbarre.

C’est poignant et pathétique cette bosse roulée sous toutes les pluies, c’est dense et intense cette richesse de ceux qui n’ont plus rien, ça fait mal à voir ces tripes qui fument dans les matins froids et qui nous font oublier nos propres ventres ouverts en césariennes de nous-mêmes. Ça pleure les corps oubliés, ça pleut dehors et ça pleut en dedans.
Pascal Depresle - J'ai trop traîné sous la pluie
Pour certains, la souffrance est un ciseau de sculpteur, un creuset d’alchimiste. Ce qui ne les tue pas les rend moins morts. Ceux-là sont capables de te servir de la beauté par chopes d’un litre. Leurs phrases sont comme ces sachets de tisane qu’on utilise plusieurs fois, qu’on passe et qui jamais ne lassent, prose à tiroirs, fractales défractées, poésie des poubelles et des anfractuosités qui se nourrit des restes. Ça te remue dès les premiers mots, et ça ne te laisse pas pour compte, ça te brûle, mais tu y reviens quand même parce que la vie, ça se boit trop chaud, ça t’arrache la gueule et en fin de compte, ça te brûle une deuxième fois à la digestion ou à l’indigestion.

Pascal Depresle, je ne le connaissais pas il y a un mois, mais par les hasards des rencontres numériques, j’ai découvert un soleil, un soleil un peu noir, un soleil revu par Soulages, mais un soleil toutefois, et je me dis que quand même, il y a de sacrées pointures en littérature française actuelle. J’ai trop traîné sous la pluie, paru en 2020, est une prose poétique autobiographique bouleversante qui fait bois de tout feu, feu de toute joie, écrite à l’encre d’ecchymoses, où Thanatos se fait prendre par Eros, crue mais jamais vulgaire, et je ne saurais que trop le recommander à celles et ceux qui traversent des déserts, se prennent des balles perdues, ou se demandent simplement ce qu’ils foutent là tout en se raccrochant aux bonheurs simples. La poésie de Pascal Depresle est l’un de ces bonheurs simples qui utilise nos cœurs creux comme des chambres d’écho. Un bonheur d’empathe.
Pascal Depresle - J'ai trop traîné sous la pluie
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