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Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Cécile Coulon - Seule en sa demeure

De Cécile Coulon, je n'avais jusque là lu qu'un seul livre - Le Roi n'a pas Sommeil (si ma mémoire est bonne) - il y a quelques années, après son passage au festival du livre de Metz. Et j'avais apprécié une écriture très maîtrisée pour son jeune âge. Pour autant, je ne sais pas trop pourquoi, je n'ai pas renouvelé l'expérience. Trop de bons livres à lire et pas assez d'heures libres dans une journée déjà bien chargée. Mais depuis 2020, je la suis sur Facebook, et après avoir souvent ri à ses réflexions pendant le confinement, lu et beaucoup apprécié ses poèmes, j'ai décidé de ne pas passer à côté de Seul en sa demeure, sans même lire la 4ème de couverture.
En toute honnêteté, ma toute première impression a été la déconcertation. Je ne m'attendais pas à être plongé dans la France sylvestre et jurassienne de la fin du XIXème siècle. Je ne m'attendais pas à ce rythme très lent, à ces descriptions détaillées, à cet univers de la bourgeoisie campagnarde du Jura, qui n'est pas sans rappeler l'univers des soeurs Brontë. Pourtant, assez rapidement, je me suis laissé happer par cette histoire.
Ce livre est avant tout une plongée dans les silences: le silence d'avant les technologies, d'avant les avions et les automobiles, de la nature originelle où l'humain était plus près de l'animal que du robot toujours occupé; le silence de la pudeur où chaque phrase prononcée se paie d'un impact, porte une telle lourdeur, qu'il est vital de peser ses mots; le silence des livres lus et relus avec une attention toujours renouvelée, le silence si dense qu'il est possible de reconnaître quelqu'un au bruit de ses pas sur le sol; le silence des voix basses et des chuchotements. Un silence qui donne la part du lion à la communication non-verbale, où chaque mouvement du visage ou du corps est un cri, où les poings remplacent la langue. Cécile Coulon sculpte les silences, dispose les soupirs et les pauses sur sa portée, sans parcimonie aucune, tempo larghissimo et...
Temps long. Celui des trajets effectués à cheval, des tâches effectuées à main d'homme au prix de la sueur, de la blessure, de l'abrutissement, quand les richesses dormaient encore dans le sol, quand une photographie était un événement en soi. Le temps meublé par les habitudes et la routine, où chaque grain de sable était source d'inquiétude ou de fête. Le temps des galops des chevaux, de la pluie et de la boue, de l'imagination sur fond de pénombre et d'immobilité. Le temps où la pratique d'un instrument par les femmes était considéré comme un divertissement pour les hommes des classes bourgeoises. Un temps où au fond tout était méditation et Dieu à portée de main. Le temps où le passé simple était parlé. Le temps des fantômes qui côtoient le vif.
Silence et temps long sont les deux ingrédients de ce livre, propices au secret qui tiendra le lecteur en haleine jusqu'à la coda, au terme d'un accelerando à deux voix.
Cécile Coulon - Seule en sa demeure
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